Elle avait so us sa toque ed' martre,
Sur la butte Montmartre,
Un p' tit air inno-ce nt.
On l'ap pelait r ose, elle é tait bel le,
A' sentait b on la fleur nouvel le,
Rue Sa int-Vince nt.
Elle avait pas connu son père,
Elle avait p'us d'mère,
Et depuis 1900,
A' d'meurait chez sa vieille aïeule
Où qu'a' s'élevait comme ça, toute seule,
Rue Saint-Vincent.
A' travaillait déjà pour vivre
Et les soirs de givre,
Dans l'froid noir et glaçant,
Son p'tit fichu sur les épaules,
A' rentrait par la rue des Saules,
Rue Saint-Vincent.
Elle voyait dans les nuit gelées,
La nappe étoilée,
Et la lune en croissant
Qui brillait, blanche et fatidique
Sur la p'tite croix d'la basilique,
Rue Saint-Vincent.
L'été, par les chauds crépuscules,
A rencontré Jules,
Qu'était si caressant,
Qu'a' restait la soirée entière,
Avec lui près du vieux cimetière,
Rue Saint-Vincent.
Mais le p'tit Jules était d'la tierce
Qui soutient la gerce,
Aussi l'adolescent,
Voyant qu'elle n' marchait pas au pantre,
D'un coup d'surin lui troua l'ventre,
Rue Saint-Vincent.
Quand ils l'ont couché sur la planche,
Elle était toute blanche,
Même qu'en l'ensevelissant,
Les croque-morts disaient qu'la pauv' gosse
était claquée l'jour de sa noce,
Rue Saint-Vincent.
Elle avait sous sa toque ed' martre,
Sur la butte Montmartre,
Un p'tit air innocent.
On l'appelait rose, elle était belle,
A' sentait bon la fleur nouvelle,
Rue Saint-Vincent.