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LETTRE À ROMY SCHNEIDER

Lettre extraite du livre de Serge Reggiani "Dernier courrier avant la nuit"
Paroles :Serge Reggiani
Romy, chère Romy, ma Romina, comme t'appelait Luchino, ton maître, du moins le prétendais-tu.
 
 
Permets-moi donc, ce soir, de t'écrire une lettre en forme de scénario, de te proposer un court métrage qui ne sera jamais tourné, quelques scènes qui n'ont jamais été jouées, dont aucune pellicule n'a capturé la fulgurance, et que tu n'as pas pu vivre.
 
 
Scène 1. Extérieur jour. Au premier plan, le fauteuil d'un metteur en scène. Vide. Un technicien passe dans le champ, portant un "clap" sur lequel est écrit : "ENFER".
 
 
Scène 2. Extérieur nuit. Elle et lui sont couchés sur l'herbe, les yeux au ciel; leurs cheveux se mêlent. Elle fume, il fume, les volutes de leurs cigarettes se mêlent en s'élevant. Un paquet traîne dans l'herbe entre leurs deux visages. On dit la marque : "PARADIS".
 
 
Scène 3. Intérieur nuit, dans un appartement meublé de Neuilly. Ils sont côte à côte dans le lit, après l'amour. Il a les yeux fermés, elle sort un pied de ses draps : elle a gardé ses socquettes. Elle tourne et retourne son pied, l'examine sous toutes les coutures, puis soupire, fait la moue, et dit : "Je n'aime pas mes pieds." Elle le dit avec l'accent allemand, "Ch'n'aime pas mes pieds." Il ne dit rien, garde les yeux fermés, sourit.
 
 
Scène 4. Intérieur nuit, dans la salle de bains. Elle chantonne la petite mélodie de Plaisir d'amour tandis que l'eau bat la mesure en tombant sur le sol. Il s'approche discrètement, sans faire de bruit, entrouvre la porte de la cabine de douche et la referme. L'eau s'arrête de couler. Il dit : "Je les trouve très bien, très jolis, tes pieds…"
 
 
Scène 7. Intérieur nuit. Ils sont face à face. Un bref silence. Lui, sec : "J'ai fait vingt fois le tour du pâté de maisons pendant que tu discutais avec un type." Elle, agressive : "Alors tu m'espionnes?" Lui, froid, après un temps : "J'en ai assez. J'en ai assez que tu te comportes en actrice jusque dans ta vie de femme. J'en ai assez. " Elle fond en larmes, le frappe et dit entre deux sanglots : "Chien!, chien!, tu es un chien!…" Il la repousse et, avant de refermer la porte, sort en disant : "C'est comme ça que finissent les histoires les plus abracadabrantes." On entend son pas qui dévale l'escalier, et des sanglots.
 
 
Scène 10. Intérieur jour, dans un café parisien aux vitres battues par la pluie. Il écrase sa cigarette, et dit : "Notre histoire est finie. Finie, bien finie, bien finie." Elle lève les yeux vers lui, lui caresse la joue et lui dit après ça: "Ça tombe bien, ça tombe bien je n'aime pas les petits garçons." Il prend son paquet de cigarettes, se lève, jette quelques pièces de monnaie sur la table et sort. Elle reste assise devant ses bouteilles de whisky. Elle pleure.
 
 
À la fin du tournage de ce film inachevé, je t'ai demandé, en cadeau d'adieu, "une photo de toi petite", et toi, tu m'as apporté … "une petite photo de toi"! Ton français encore imparfait nous avait joué un tour.
 
 
Quel âge aurais-tu, aujourd'hui, Romina? Peu importe. Tu étais sans âge, puisque le cinéma t'a faite immortelle. Peut-être n'as-tu vécu que dans l'imagination de quelques amoureux à la recherche de l'actrice parfaite? Rêve ou réalité, je t'embrasse au-delà de la mort, des rêves et des souvenirs. Serge

Contribution

Bernard Lebeau, version 1.0

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Version : 1.0
Dernière modification : 2023-04-13
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