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LETTRE À NOËLLE ADAM-CHAPLIN, MA COMPAGNE

Lettre extraite du livre de Serge Reggiani "Dernier courrier avant la nuit"
Je dis ma compagne parce-que, je déteste dire "ma femme", comme Peter Falk dans Colombo, dit "ma femme, ma femme". Les femmes n'appartiennent à personne, elles s'appartiennent à elles-mêmes. Que ce soit dit une fois pour tout ça! Maintenant je ne sais pas si les hommes appartiennent à leurs femmes. Ça j'en sais rien!
 
 
Trente ans que nous nous désaltérons à la même coupe, trente ans d'amour qui ont glissé entre mes doigts comme tes cheveux quand j'y passe la main. Ma chérie, mon seul grand amour véritable, ma compagne de chaque seconde, je voudrais essayer de te parler de nous, de te parler de "toi et moi". Car notre amour est fait de liberté et de tendresse, et chaque jour je m'efforce de te mériter comme Chantecler mérite par son chant le lever du soleil. Chaque instant avec toi est un trésor, et te perdre est en ce monde la seule chose vraiment grave qui pourrait m'arriver.
 
 
Un soir, il y a fort longtemps, Jean Cocteau et Jean Marais m'ont emmené voir "le Rendez-vous manqué", au Théâtre des Champs-Élysées, dont tu étais la ballerine étoile. Je suis resté, ce soir-là, cloué à mon fauteuil, ému par la grâce de ton corps qui dansait, par la volupté de tes arabesques, par cette beauté qui brillait sur scène. Le public applaudissait une danseuse, et moi je vénérais déjà une déesse. Marais et Cocteau ont voulu m'entraîner à leur suite dans les loges pour te féliciter, mais je n'ai pas osé. Je n'en ai pas eu le courage : que t'aurais-je dit après pareille émotion? C'est ainsi que déjà je t'aimais. Tu ne savais même pas que j'existais…
 
 
Tu es restée quinze ans aux États-Unis. Quinze années pendant lesquelles je t'ai attendue, sans cesser de penser à toi, et sans me décider pourtant à franchir l'Atlantique. Il me semblait que je devais laisser couler la vie, que le destin se chargerait bien, un jour, de faire coïncider nos routes à nouveau.
 
 
La chance voulut que Syd m'invitât à passer peu après une soirée chez vous, dans votre superbe demeure de Ville-d'Avray. Je suis venu ventre à terre à cette soirée; rien au monde ne me l'aurait fait manquer. Ce soir-là, j'ai changé de tactique, te faisant une cour éhontée et sans retenue, aux yeux de tous les invités… et de ton mari. Tu m'as raconté ensuite que ça l'avait rendu furieux. Tant pis, je n'avais rien à perdre.
 
 
Et j'ai tout gagné. Après cette soirée, j'ai attendu un coup de fil. Et un jour le téléphone a sonné… Nous nous sommes revus de bar en bar, puis d'hôtel en hôtel, comme des amants en fuite, comme des voleurs d'instants, des voleurs d'amour, jusqu'au jour où Sydney dut repartir pour les Etats-Unis.
 
 
La situation devenant impossible, nous décidâmes de vivre ensemble. Débuta un étrange ballet d'un appartement à l'autre. Chaque fois que nous commencions à nous sentir chez nous, j'étais obligé de vendre l'appartement pour régler mes impôts.
 
 
J'ai l'impression de chanter moins bien quand tu n'es pas à mon côté, en coulisse; de peindre de travers si ton regard ne guide pas mon pinceau; d'écrire n'importe quoi si tu n'es pas là.
 
 
Le reste, l'essentiel, je veux te le dire de vive voix, que cela soit notre secret évanescent. Un secret chaque jour différent. Caresser ta joue, laisser glisser ma main sur tes cheveux, effleurer ton épaule sont des cadeaux du ciel. Mon seul et unique amour, ma demeure, mon refuge, mon nuage que j'aime infiniment. Sergio

Contribution

Bernard Lebeau, version 1.0

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Version : 1.0
Dernière modification : 2022-11-09
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