L e brouillard est froid, la bruyère est gri se ;
Les troupeaux de b œufs v ont aux abreuvo irs ;
La lune, sortant des nuages noi rs,
Semble une clarté qui vient par surpr ise.
Je ne sais plus quand, j e ne sais plus où,
Maitre Yvon souffl ait dans son bini ou,
Le voyageur marche et la lande est bru ne ;
Une ombre est derri ère, u ne ombre est dev ant ;
Blancheur au couchant, lueur au lev ant
Ici crépuscule et là clair de lu ne.
Je ne sais plus quand, j e ne sais plus où,
Maitre Yvon souffl ait dans son bini ou,
La sorcière assise allonge sa lip pe ;
L'araignée acc roche au toit son fi let ;
Le lutin reluit dans le feu fol let
Comme un pistil d'or dans une tul ipe.
Je ne sais plus quand, j e ne sais plus où,
Maitre Yvon souffl ait dans son bini ou,
On voit sur la mer des chasse-mar ées ;
Le naufrage gu ette u n mât frissonn ant ;
Le vent dit : demain ! l'eau dit : mainten ant !
Les voix qu'on entend sont désespér ées.
Je ne sais plus quand, j e ne sais plus où,
Maitre Yvon souffl ait dans son bini ou,
Le coche qui va d'Avranches à Foug ère
Fait claquer son f ouet c omme un vif écla ir ;
Voici le moment où flottent dans l' air
Tous ces bruits confus que l'ombre exag ère.
Je ne sais plus quand, j e ne sais plus où,
Maitre Yvon souffl ait dans son bini ou,
Dans les bois profonds brillent des flamb ées ;
Un vieux cimet ière e st sur un somm et ;
Où Dieu trouve-t-il tout ce noir qu'il met
Dans les cœurs brisés et les nuits tomb ées ?
Je ne sais plus quand, j e ne sais plus où,
Maitre Yvon souffl ait dans son bini ou,
Des flaques d'argent tremblent sur les sab les ;
L'orfraie est au bord d es talus craye ux ;
Le pâtre, à travers le vent, suit des y eux
Le vol monstrueux et vague des diab les.
Je ne sais plus quand, j e ne sais plus où,
Maitre Yvon souffl ait dans son bini ou,
Un panache gris sort des chemin ées ;
Le bûcheron pa sse av ec son fard eau ;
On entend, parmi le bruit des cours d' eau,
Des frémissements de branches traîné es.
Je ne sais plus quand, j e ne sais plus où,
Maitre Yvon souffl ait dans son bini ou,
La faim fait rêver les grands loups mor oses ;
La rivière co urt, l e nuage f uit ;
Derrière la vitre où la lampe lu it,
Les petits enfants ont des têtes ros es.
Je ne sais plus quand, j e ne sais plus où,
Maitre Yvon souffl ait dans son bini ou,