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LETTRE À PARIS

Lettre extraite du livre de Serge Reggiani "Dernier courrier avant la nuit"
Paroles :Serge Reggiani
À Paris
 
C'était le 1er novembre 1930, soir de la Toussaint. La nuit était tombée très tôt.
Ma mère et moi avons pris le métro pour gagner la gare Saint-Lazare.
 
Cette année-là, j'ai fait ta connaissance, Paris.
Pour moi, tu n'étais pas encore la Ville-Lumière, mais plutôt la ville-ténèbres,
Masquée par les grandes ombres de la Toussaint.
Tu as d'abord été un coin de nuit entre deux trains,
car mon voyage était un exil, pas une adoption.
Mon père s'installa dans son salon de coiffure, 110 rue du Faubourg-Saint-Denis.
Le décor de ma seconde enfance, française, était planté.
 
J'ai vécu mon adolescence dans et pour la boxe, au Centre Sporting Club,
à l'Élysée-Montmartre, à la Société athlétique montmartoise, à la salle Wagram…
Les coups de poing de tous les garçons bouchers de la capitale n'étaient en rien
comparés aux taloches de mon père, Ferrucio.
Il me semble sentir encore sur ma joue la terrible paire de claques qu'il m'infligea
un jour où je lui montrai mon carnet de notes…piteux.
Ferrucio était passionné de boxe au point d'organiser des combats
avec des hommes qu'il faisait venir d'Italie.
 
Un soir de bombardement sur la gare des Batignolles, pendant la guerre,
j'étais resté accoudé à ma fenêtre, contemplant ce magnifique feu d'artifice.
Soudain, une pluie d'éclats métalliques s'abattit sur le quartier.
J'avais les mains en sang. Je compris alors que la guerre n'était pas un spectacle.
 
Puis vint l'exode, avec Michel Vitold et le peintre italien Casotti.
Adieu Paris, pour un temps. Paris souillé de vert-de-gris,
Paris foulé par les bottes allemandes et les chenilles des panzers. Adieu enfance …
Mais je suis revenu bien vite dans la Capitale poursuivre mon histoire d'amour
avec la Seine.
 
Paris est une femme aux millions d'amants, qui la regardent sans oser la toucher,
qui la caressent sans la souiller. Paris ma rose, c'est le Paris des longues flâneries,
c'est le Paris des premières amours, c'est le Paris de mon enfance insouciante
et vagabonde.
 
   Où est passée Paris la grise
   Paris sur brume la mouillée?
   L'est partie, Paris l'oubliée,
   Partie sur la pointe des pieds.
   Paris la grise.
 
Paris la grise, c'est Paris de mes virées nocturnes et de mes retours à l'aube.
 
   Où est passée Paris la rouge,
   La Commune des sans-souliers?
   S'est perdue vers Aubervilliers
   Où vers Nanterre l'embourbée.
   Paris la rouge.
 
Paris la rouge, c'est Paris de mes copains, le Paris des poulbots et des gavroches,
le Paris qui aimait ses pauvres, le Paris où traînaient toujours l'idée d'une barricade
et l'odeur de la poudre, c'est le Paris du peuple, le Paris des Parisiens.
 
   Où est passée Paris que j'aime?
   Paris que j'aime
   Et qui n'est plus …
 
Et quand la lumière pour moi s'éteindra, il me console un peu de savoir que
Paris toujours dans ce monde brillera. Paris que j'aime et qui me le rend bien.
Paris que j'aime…

Contribution

Bernard Lebeau, version 1.0

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Version : 1.0
Dernière modification : 2022-08-31
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