Du temps que régnait le grand Pan,
Les dieux protégeaient les ivrognes :
Un tas de génies titubant,
Au nez rouge, à la rouge trogne.
Dès qu'un homm'vidait les cruchons,
Qu'un sac à vin faisait carousse,
Ils venaient en bande, à ses trousses,
Compter les bo uchons.
La plus humble piquette était alors bénie,
Dis tillée par Noé, Silène et comp agnie,
Le vin donnait un lustre au pire des minus
Et le moindre pochard avait to ut de Bacc hus.
Mais, se tou chant le crâne en criant : "J'ai tro uvé !"
La bande au professeu r Ni mbus est ar rivée,
Qui s'est mise à frapper les cieux d'align ement,
Chasser les dieux du fir mament.
Au jourd'hui, çà et là, les gens boivent encor
Et le feu du ne ctar fait t oujours luir'le s trognes,
Mais les dieux ne r éponden t plus pour le s ivrognes :
Ba cchus est alco olique et le grand Pan est m ort.
Quand deux imbéciles heureux
S'amusaient à des bagatelles
Un tas de géni's amoureux
Venaient leur tenir la chandelle.
Du fin fond des Champs-Elysées,
Dès qu'ils entendaient un "Je t'aime",
Ils accourraient à l'instant même
Compter les baisers.
La plus humble amourette était alors bénie,
Sacrée par Aphrodite, Eros et compagnie.
L'amour donnait un lustre au pire des minus
Et la moindre amoureuse avait tout de Vénus.
Mais, se touchant le crâne en criant : "J'ai trouvé !",
La bande au professeur Nimbus est arrivée,
Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement,
Chasser les dieux du firmament.
Aujourd'hui, çà et là, les coeurs battent encor
Et la règle du jeu de l'amour est la même,
Mais les dieux ne répondent plus de ceux qui s'aiment :
Vénus s'est faite femme et le grand Pan est mort.
Et quand, fatale, sonnait l'heur'
De prendre un linceul pour costume,
Un tas de géni's, l'oeil en pleur,
Vous rendaient les honneurs posthumes.
Pour aller au céleste empire
Dans leur barque ils venaient vous prendre,
C'était presque un plaisir de rendre
Le dernier soupir.
La plus humble dépouille était alors bénie,
Embarquée par Caron, Pluton et compagnie.
Au pire des minus l'âme était accordée
Et le moindre mortel avait l'éternité.
Mais, se touchant le crâne en criant : "J'ai trouvé !",
La bande au professeur Nimbus est arrivée,
Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement,
Chasser les dieux du firmament.
Aujourd'hui, çà et là, les gens passent encor,
Mais la tombe est, hélas, la dernière demeure,
Et les dieux ne répondent plus de ceux qui meurent :
La mort est naturelle et le grand Pan est mort.
Et l'un des derniers dieux, l'un des de rniers suprêmes,
Ne doit plus se sentir tellement bien lui-même.
Un beau jour on va voir l e Christ
Descendre du cal vaire, en d isant dans s a lippe :
"Merde ! Je ne joue plus pour tous ces pauvres types !"
J'ai bien peur que la fin du monde soit bie n triste.