C'est à travers de larges grilles
Que les femelles du canton
Contemplaient un puissant gorille
Sans souci du qu'en-dira-t-on
Avec impudeur, ces commères
Lorgnaient même un endroit précis
Que, rigoureusement ma mère
M'a défendu de nommer ici
Gare au gorille ! Gare !
Voilà que la prison bien close
S'ouvre sur le bel animal
On ne sait pourquoi je suppose
Qu'on avait du la fermer mal
Le singe, en sortant de sa cage
Crie : «C'est aujourd'hui que j'le perds »
Il parlait de son pucelage
Vous aviez deviné, j'espère
Gare au gorille ! Gare !
Tout le monde se précipite
Hors d'atteinte du singe en rut
Sauf une vielle décrépite
Et un jeune juge en bois brut
Voyant que chacun se dérobe
Le quadrumane accéléra
Son dandinement vers les robes
De la vieille et du magistrat
Gare au gorille ! Gare !
Gare au gorille ! Gare !
"Bah ! Soupirait la centenaire
Qu'on puisse encore me désirer
Ce serait extraordinaire
Et, pour tout dire, inespéré
Le juge pensait, impassible
Qu'on me prenne pour une guenon,
C'est complètement impossible
La suite lui prouva que non
Gare au gorille ! Gare !
Car si l'on sait que le gorille
Aux jeux de l'amour vaut son prix
On sait qu'en revanche il ne brille
Ni par le goût, ni par l'esprit
Or, au lieu d'opter pour la vieille
Comme l'aurait fait n'importe qui
Il saisit le juge à l'oreille
Et l'entraîna dans un maquis
Gare au gorille ! Gare !
La suite serait délectable
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c'est regrettable
Ça nous aurait fait rire un peu
Car le juge, au moment suprême
Criait : "maman !", pleurait bea ucoup
Comme l'homme auquel, le jour même
Il avait fait trancher l e cou
Gare au gorille ! Gare !
Gare au gorille ! Gare !
Gare au gorille ! Gare !